Mobiliberté
Acte 1
Un air de musique - ce ne sera ni un beuglement, ni une stridulation agaçante - et voila que je vais être une fois de plus contrainte découter la conversation en mode mono dune conversation à laquelle je nai pas envie dassister. Le problème cest quil y a déjà un autre caddy qui me talonne et les files dattente semblent séterniser ailleurs aussi. Alors, une fois de plus, je vais essayer de mettre le mode Off. Mais comme toujours, tentative ratée. On a beau essayer, comment ne pas entendre cette conversation qui se déballe à 2 m de soi. Personnellement, jen suis incapable. Je narrive quà feindre lindifférence alors que bouillonne en moi la colère. Donc, jentends sans écouter.
Une fois de plus, avant même la première minute de conversation écoulée, linvariable « tes où là » tombe. Je me demande si un jour le Téoula ne remplacera pas notre actuel Allo. Doù il vient celui-ci, au fait ? Il serait amusant détablir des statistiques là-dessus : incidence du Téoula dans les conversations sur portable, et rapidité de son émergence. Y a pas un sociologue pour faire une thèse là-dessus ?
Le Téoula passé, il ny a semble til plus grand-chose à ajouter. But et utilité de lappel, cette fois-ci je ne saurai pas. Même pas frustrée, juste encore et toujours désappointée par ce que je considère comme un manque de pudeur. Cela semble ridicule peut-être, mais je ne comprends pas quon impose ses conversations privées aux autres.
Cette fois-ci, court fut lappel. Que dire de ces circonstances aggravantes à mes yeux : les appels en plein restaurant qui séternisent (vos compagnons de table sont donc si rasoir ?) et les malautrus qui ne coupent pas leur portable au cinéma (achetez des DVD et restez dans votre salon !).
Acte 2
Le jeune homme marche dans la rue portable scotché à loreille. Celui-ci me gène moins que sa congénère du supermarché, je nentends pas sa conversation. Sa voix se perd dans le brouhaha de la foule. Il avance vite, concentré - flute pour une fois, jai pas pu entendre le Téoulà et dans un imbroglio de piétons il se trouve repoussé vers lHomme à la main tendue. Point de regard, à peine une hésitation dans la voix, il poursuit sa conversation.
Dans ce monde où lindifférence à lAutre croît un peu plus chaque jour, je métonne de voir à quel point les moyens de communication se diversifient et nous poursuivent jusque dans nos poches. Nous conversons parfois avec un inconnu à lautre bout du monde, mais avons-nous déjà juste discuté 10 min avec notre voisin de palier ? Souvrir au monde, nous crions tous oui, mais dans le confort ouaté du multimédia. Poser ne serait-ce quun regard sur cet homme qui tend la main dans une grande rue commerçante est-il si difficile ? Cet individu fait-il parti dune sous-race qui néprouverait aucun sentiment ? Il quémande certes de largent, et je ne critique en rien le choix de donner ou pas. Accordez juste un regard, un sourire à cet homme. Nous nous enfermons avec notre « bulle » de proches et nous oublions lessentiel. Que nous vivons dans une société composée dautres individus. Loin de vouloir imposer à quiconque des règles de bienséance, je me demande sil est encore possible que survive le respect dautrui dans les siècles à venir. Espérons que notre avenir diffère de ce que présentait le film La machine à remonter le temps (Warner 1960) Il semble pourtant que nous y tendons un peu plus chaque jour.
La liberté que nous offre ces petits appareils portables est certes fabuleuse. Appeler où et quand on le veut et presque qui lon veut. Avons-nous réellement besoin dun tel ustensile pour communiquer avec nos contemporains ? Disons nous plus « Je taime » pour autant ? Je constate que je me suis bien égarée dans mes digressions. Je vous laisse, jai un coup de fil à passer ;)